02/12/2025 voltairenet.org  14min #297831

 La rencontre entre les États-Unis et l'Ukraine en Floride ne s'est Pas bien passée ; la fin du monde a été annoncée et la réalité a enfin été comprise

Qu'est-ce qui se cache derrière les négociations de paix pour l'Ukraine ?

par Thierry Meyssan

Nous ignorons ce qui s'est dit à Washington, mais nous pouvons supposer que les États-Unis se sont montrés fermes face à l'Ukraine, même s'ils n'ont pas voulu risquer de détruire la solidarité atlantique. Thierry Meyssan présente ici ce qui s'est joué durant cette semaine folle.

Pour satisfaire son mouvement MAGA, le président Donald Trump doit restaurer la puissance économique de son pays, profondément endetté, tout en ménageant la branche atlantiste de ses donateurs. Steve Witkoff et Jared Kushner se sont déjà entendus avec le président Vladimir Poutine. Les négociations présidées par Mario Rubio ne font que diversion.

Pour comprendre la semaine de négociations sur la paix en Ukraine, il importe avant tout d'effacer les fausses informations qui ont été diffusées par la presse mainstream : contrairement à ce qu'elles ont laissé entendre, jamais les Européens n'ont été autorisés à se joindre aux pourparlers de Genève.

Il convient aussi de se rappeler ce que j'expliquais la semaine dernière [1] : des gouvernements européens n'ont aucun intérêt à la paix, ils la redoutent même : celle-ci provoquerait sans aucun doute leur propre chute.

Ce n'est donc pas par hasard que la presse allemande, britannique et française a prétendu que le plan de paix de Genève était un document européen. Elle l'a tellement affirmé que nous avons nous-même repris ce mensonge avant de le rectifier.

Ceci étant posé, nous allons reprendre le déroulé des évènements :

Lorsque le plan de paix, rédigé par les États-Unis et la Russie en Floride, a été connu [2], les commentateurs aux ordres l'ont présenté comme « outrageusement pro-russe ».

Les négociations de Genève

Les Ukrainiens ont demandé à rédiger avec les États-Unis une contre-proposition. Des pourparlers ont été organisés à Genève, les 23 et 24 novembre.

Mais, le 22 novembre, des Européens de l'UE, plus les Britanniques, les Norvégiens et les Japonais, qui participaient tous au sommet des chefs d'État et de gouvernement du G20 de Johannesburg, ont publié une déclaration commune. On peut y lire :
« Nous sommes prêts à nous engager pour que la paix future soit durable. Nous sommes clairs sur le principe que les frontières ne doivent pas être changées par la force. Nous sommes également préoccupés par les restrictions proposées aux forces armées ukrainiennes, qui laisseraient l'Ukraine vulnérable à une attaque future.
Nous réitérons que la mise en œuvre d'éléments relatifs à l'Union européenne et relatifs à l'OTAN aurait besoin du consentement des membres de l'UE et de l'OTAN respectivement. »

L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni envoyèrent donc -sans y être invités- des diplomates à l'hôtel Intercontinental où résidaient les délégations états-uniennes et ukrainiennes. Ils purent discuter avec les unes et les autres, mais ne furent pas admis aux négociations.

Le document, diffusé à l'issue des pourparlers, reprend les seuls arguments des Ukrainiens [3].

Il n'y est plus question de dénazification de l'Ukraine, ni de neutralité du pays, ni de participation de l'UE à sa reconstruction. Il est donc inacceptable d'un point de vue russe.

Présentant son travail à la presse, le secrétaire d'État, Marco Rubio, s'est contenté de déclarer que les choses avançaient pour le mieux. C'est probablement parce que l'Ukraine avait renoncé à reconquérir des territoires occupés/libérés par la Russie et accepté qu'ils soient internationalement reconnus comme russes.

La « coalition des volontaires »

Le 25 novembre, la coalition des volontaires, voulue, le 1er mars 2025, par le général Petr Pavel, président tchèque et ancien président du comité militaire de l'OTAN, et par Keir Starmer, Premier ministre britannique, se réunissait par vidéo-conférence.

L'expression « coalition des volontaires » renvoie au président George Bush et à sa Stratégie de sécurité nationale de 2002. À l'époque, il s'agissait de rassembler les alliés (sauf la France de Jacques Chirac et l'Allemagne de Gerhard Schröder) pour envahir l'Iraq. Cette coalition prétendait représenter le droit international. Pour ce faire, le Royaume-Uni avait officiellement publié de nombreuses fake news, qui firent ultérieurement l'objet des travaux de la Commission de Sir John Chilcot.

Le Royaume-Uni avait identiquement publié quantité de fake news, organisant secrètement des vols de drones au-dessus des aéroports belges, danois, estoniens, norvégiens, polonais et roumains. Il avait proposé ses propres experts aux petites nations désemparées et leur avait donné ses réponses [4]. Il les avait ainsi persuadés que la Russie s'apprêtait à attaquer l'Union Européenne.

Rappelons-nous que le Royaume-Uni avait créé, lors du sommet de l'OTAN au pays de Galles (2014), une petite OTAN à l'intérieur de l'OTAN - la Force expéditionnaire interarmées (JEF) -. Elle était composée du Danemark, de l'Estonie, de la Finlande, de l'Islande, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède, sous commandement britannique.
Cette mini-OTAN a déployé l'opération « Nordic Warden » (Gardien du Nord) lorsque des dommages ont été signalés sur un câble sous-marin en mer Baltique, le Estlink2. Non seulement les États membres ont oublié que ce sont les Ukrainiens et/ou les États-uniens qui ont saboté les gazoducs Nord Stream, mais ils ont cru que les dommages de ces câbles ont peut-être été causés par les Russes.
Le 5 novembre 2025, le Royaume-Uni a associé à cette Force expéditionnaire interarmées (JEF) l'Ukraine, bien qu'elle ne soit pas membre de l'OTAN.

La réunion de la « coalition des volontaires » du 25 novembre a été co-présidée par Emmanuel Macron (président de la France), Keir Starmer (Premier ministre du Royaume-Uni) et Friedrich Merz (chancelier fédéral d'Allemagne). Il est à noter que si 38 États, l'OTAN et l'UE y participaient, George Soros y était représenté par l'intermédiaire de la Macédonienne Radmila Šekerinska, secrétaire générale adjointe de l'OTAN.

Le président Macron a décrit la ligne en affirmant que tous les participants devraient rester « unis pour soutenir une paix juste, digne et durable pour l'Ukraine qui préserverait sa souveraineté et assurerait sa sécurité à long terme. »
Le Premier ministre Starmer s'est montré vigilant sur des garanties de sécurité fiables et sur le renforcement de la défense aérienne de l'Ukraine. Londres, qui ne souhaite pas s'engager dans un affrontement avec la Russie, espère parvenir à l'isoler derrière un « rideau de fer » comme Winston Churchill y était parvenu lors du discours de Fulton.
Enfin, le chancelier Merz s'est félicité d'une position commune des États-Unis, de l'Ukraine et de l'Union européenne et a souligné qu'il fallait désormais négocier avec la Russie.

Les volontaires ont écouté un compte rendu des négociations de Genève auxquelles seuls les États-Unis avaient participé.

Les écoutes téléphoniques

Le 25 novembre, l'agence de presse économique, Bloomberg, a diffusé la retranscription d'une conversation téléphonique, enregistrée à leur insu le 14 octobre, entre Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Donald Trump, et Iouri Ouchakov, ancien ambassadeur russe à Washington devenu conseiller diplomatique de Vladimir Poutine. L'agence de presse démocrate a également publié la retranscription d'une autre conversation, du 29 octobre cette fois, entre le même Ouchakov et Kirill Dmitriev, l'envoyé spécial de Poutine qui le représentait lors des négociations en Floride [5]. Immédiatement, Kirill Dmitriev a qualifié cette seconde écoute de « fausse ».

Le premier appel était une suggestion de Witkoff selon laquelle le président Poutine devrait proposer un plan en une vingtaine de points sur le modèle de celui du président Trump pour Gaza. Le second sous-entendait que la Russie avait joué un grand rôle dans le plan de paix de Floride.

Ces deux conversations, qui avaient été interceptées par un service secret, étaient utilisées pour faire accroire que le plan de Floride avait été rédigé par la seule Russie. Or, toute personne qui sait comment se déroulent de telles négociations ne peut que s'en étonner. Elles ne permettent en aucun de cas de conclure que Witkoff serait un espion russe, mais uniquement qu'il a fait son travail.

Il suffit de lire le plan pour constater qu'il prévoit que la Russie déboursera 100 milliards de dollars pour reconstruire l'Ukraine et qu'il ne reconnaît pas l'oblast d'Odessa comme russe - bien que celui-ci aurait permis d'accepter la demande de la Transnistrie de quitter la Moldavie et de rejoindre la Fédération de Russie.

Selon le Wall Street Journal, non seulement ces écoutes donnent une vision tronquée des négociations, mais elles manquent l'essentiel. Le 7 août, Steve Witkoff aurait informé la « coalition des volontaires » que le président Poutine était prêt à renoncer à Kherson et à Zaporijjia si l'Ukraine reconnaissait le rattachement de tout le Donbass (y compris la minuscule partie encore ukrainienne). Sceptiques, les Européen auraient repoussé ces avances, persuadés qu'ils étaient que la Russie voulait conquérir toute l'Ukraine, puis attaquer l'Union européenne [6].

Nul ne sait quel service secret a réalisé ces écoutes, plus d'un mois avant leur publication, mais nos yeux se tournent spontanément vers les rives de la Tamise. En visite au Kirghizistan, le président Vladimir Poutine a rappelé que, dans son pays, écouter des conversations téléphoniques est une infraction pénale [7].

Le refus belge de voler l'argent russe bloqué

Le 27 novembre, Bart de Wever, Premier ministre belge, et la chambre de compensation Clearstream écrivaient deux lettres à la Commission européenne. Ils lui signifiaient s'opposer fermement à la confiscation des 215 milliards de dollars de dépôts russe gelés [8].

La quasi-totalité des experts considère que transformer ces avoir gelés en « prêts de réparation » équivaudrait à une saisie. Seuls les experts britanniques affirment qu'assimiler cela à un vol est « une connerie ».

Il est vrai que, selon une étude du Norwegian Institute of International Affairs (NUPI), avec la migration de réfugiés qu'elle provoquerait, une défaite de l'Ukraine serait deux fois plus coûteuse pour l'Union européenne que la poursuite de la situation actuelle [9].

Si rien ne change, l'Ukraine sera en défaut de paiement au plus tard à la fin juin.

La chute de l'administration présidentielle ukrainienne

Le 28 novembre, alors que la Maison-Blanche invitait le président non-élu Volodymyr Zelensky à rencontrer le président élu Donald Trump à Washington, le Bureau national anti-corruption d'Ukraine (NABU) - assisté des 80 inspecteurs états-uniens que le département d'État a mis à sa disposition - perquisitionnait le domicile d'Andriy Yermak, le tout-puissant chef de l'administration présidentielle. Si la presse avait annoncé une perquisition des bureaux de Yermak, c'est son domicile que les enquêteurs ont mis, sans dessus-dessous, de six heures du matin à treize heures. Ils y ont saisi quantité de téléphones portables.

Le prévenu a immédiatement démissionné, évitant ainsi d'être censuré par la Verkhovna Rada. Il a annoncé sa décision dans une lettre au New York Post [10]. Il y écrit : « J'ai été profané, et ma dignité n'a pas été protégée, bien que j'étais à Kiev depuis le 24 février 2022. Par conséquent, je ne veux pas créer de problèmes pour Zelensky ; je vais au front (...) Je suis dégoûté par la saleté dirigée contre moi, et encore plus dégoûté par le manque de soutien de ceux qui connaissent la vérité »

Ainsi, d'un côté Marco Rubio discutait quatre jours plutôt avec Andriy Yermak à Genève, d'un autre, les enquêteurs de son secrétariat d'État éliminaient Andriy Yermak de la vie politique.

À la faveur de la guerre et de la bipolarité de Volodymyr Zelensky, Andriy Yermak, qui n'était en droit que le numéro 2 des civils, était devenu l'homme le plus puissant du pays. Selon les enquêteurs du Nabu, c'est lui que les corrompus appelaient « Ali Baba », l'homme qui coordonnait l'ensemble des pots-de-vin et des détournements de fonds. S'il est mis en cause pour une centaine de millions d'euros volés sur les contrats d'énergie, il aurait en réalité volé des milliards d'euros sur l'armement.

Après bien d'autres, le député du parti de Zelenski, Yuriy Kamelchuk, serait également en fuite.

Simultanément, le 28 novembre, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois et ami personnel de Vladimir Poutine comme de Donald Trump, se rendait au Kremlin, officiellement pour discuter de l'approvisionnement de son pays en hydrocarbures russes, officieusement pour poursuivre les contacts entre Washington et Moscou. Il était accompagné de Marcel Biro, son conseiller de Sécurité nationale, tandis que le président Poutine l'était de Ioury Ouchakov, son conseiller diplomatique dont la conversation avec Steve Witkoff avait été écoutée [11].

Le voyage du Premier ministre Orbán à Moscou violait la « solidarité de l'Union européenne », mais s'accordait avec le passe-droit que lui avait accordé le président Donald Trump pour négocier l'approvisionnement en hydrocarbures de son pays.

Retour en Floride

Selon un décret du président non-élu, la délégation ukrainienne, qui participera à des pourparlers de paix en Floride, comprend neuf personnes, dont le secrétaire du conseil national de Sécurité et de Défense, Rustem Umerov (en fuite), le chef du Renseignement militaire, le général Kirill Boudanov, le chef adjoint du SBU le général Oleksandr Poklad et le chef d'état-major général des forces armées d'Ukraine, le général nationaliste intégral Andriy Hnatov. Il n'est cependant pas impossible qu'Andriy Yermak, soit du voyage bien qu'il soit démissionnaire.

Rustem Umerov, qui a précédemment présidé le Fonds souverain ukrainien, était venu aux États-Unis juste avant les négociations de Floride. Il s'est entretenu avec Kash Patel, le directeur du FBI. Selon toute vraisemblance, Umarov est un agent de la CIA qu'il a servi auprès du député Mustafa Abdülcemil Cemiloglu (alias Moustafa Djemilev) [12]. Il est probable qu'il ait conclu un accord avec la justice états-unienne. C'est lui qui a assuré à Steve Witkoff que Zelensky accepterait le plan de Floride. Le fait qu'il dirige la délégation ukrainienne ce week-end, alors qu'il a déjà fui, semble indiquer que Washington a toutes les cartes en main.

Dernier tour de chauffe

Au moment où nous écrivons, rien n'a transpiré de la rencontre de Washington. Cependant, le 30 novembre, Ursula von der Leyen présidente de la Commission européenne, a téléphoné à Volodymyr Zelensky. Elle l'a assuré que l'Ukraine devait tenir bon, malgré le bombardement de ses centres énergétiques par l'armée russe.

Puis Mark Rutte, secrétaire général de l'OTAN, l'a également appelé. Il semble qu'il a été moins enthousiaste et s'est montré prudent quant au soutien états-unien.

Enfin Emmanuel Macron, président français, a invité son homologue non-élu à venir le voir à Paris, le lendemain, 1er décembre. Il ne pourra que maintenir l'illusion. Le 17 novembre, il avait en effet pompeusement signé des documents de vente de 100 avions Rafale, de systèmes de défense aérienne SAMP/T, de radars modernes pour la défense aérienne, de missiles air-air et des bombes aériennes guidées à l'Ukraine. En réalité, il ne s'agissait pas de contrats, mais de « déclarations d'intention ». Le financement de ces mirifiques ventes n'était pas assuré et leur fabrication par Dassault Aviation ne pourrait pas commencer avant cinq ou dix ans.

Pendant ce temps, Steve Witkoff et Jared Kushner seront au Kremlin.

 Thierry Meyssan

[1] «  La chute du régime de Zelensky et celle de ses alliés », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 25 novembre 2025.

[2] «  Le plan de paix Trump pour l'Ukraine », Réseau Voltaire, 20 novembre 2025.

[3] «  Plan ukrainien pour la paix », Réseau Voltaire, 24 novembre 2025.

[4] «  "Het is gissen waarom we niet werden opgeroepen" : gespecialiseerd counter-droneteam werd niet ingezet bij drones boven Zaventem vorige week », Dirk Coosemans, Newsblad, 10 november 2025.

[5] «  Putin advisers discuss plans for dealing with Trump:Transcript », Bloomberg, November 25, 2025. Version française de la première écoute : «  L'intégralité de la conversation entre Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump, et Iouri Ouchakov, conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, révélée par Bloomberg », Le Monde, 26 novembre 2025.

[6] «  Make Money Not War : Trump's Real Plan for Peace in Ukraine », Drew Hinshaw, Benoit Faucon, Rebecca Ballhaus, Thomas Grove and Joe Parkinson, The Wall Street Journal, December 1, 2025.

[7] «  US peace plan, special military operation, contacts in UAE : what Putin said », Tass, November 27, 2025.

[8] «  Belgian PM raises stakes on Kyiv lifeline, renewing opposition to Russian frozen-assets reparations loan », Luca Léry Moffat, Kiyv Independent, November 28, 2025.

[9]  To scenarier for krigen i Ukraina : Hva betyr de for Europa - og hva vil det koste ? ou version anglaise :  Europe's choice : Military and economic scenarios for the War in Ukraine, Erlend Bjørtvedt, Karsten Friis, Trygve Johannes Smidt, John Karlsrud, Olav Slettebø, Ole Martin Stormoen and Casper Waagbø, Corisk & Norwegian Institute of International Affairs, November 28, 2025.

[10] «  Former top Zelensky aide sends The Post ominous message hours after resignation : 'I'm going to the front' », Caitlin Doornbos, New York Post, November 28, 2025.

[11] «  Встреча с Премьер-министром Венгрии Виктором Орбаном », Кремль, 28 ноября 2025 года.

[12] «  L'Ukraine et la Turquie créent une Brigade internationale islamique contre la Russie », par Thierry Meyssan, Télévision nationale syrienne, Réseau Voltaire, 12 août 2015.

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